La cosmétique et les émotions, toujours plus en phase avec les avancées scientifiques et technologiques, par la Dre Sonja Hansen (MDC)

ENTRETIEN SONJA HANSEN

Docteure en Microbiologie moléculaire de la Northeastern University (Boston) ayant travaillé en tant que chercheuse dans différents instituts de recherche aux États-Unis et en Allemagne, Sonja Hansen est actuellement la directrice des projets européens du Centre Max Delbrück (MDC) de Médecine moléculaire de l’Association Helmholtz. Sonja fait partie des personnes qui ont rendu possible le projet CORBEL, lequel a représenté le commencement d’une nouvelle ère pour la communauté scientifique. Un projet de regroupement financé par la Commission européenne qui a rassemblé les infrastructures de recherche en sciences de la vie (LS RI), avec pour mission de soutenir la science de pointe et de fournir un accès aux dernières technologies, aux collections complètes de ressources et à l’expérience technique. CORBEL a pris fin en mai 2020, mais les LS RI continuent de travailler ensemble pour offrir un accès aux chercheurs des secteurs universitaires et industriels.

De plus en plus souvent, le marché des cosmétiques exige des développements technologiques de pointe. De nos jours, l’utilisation d’outils bio-informatiques, de statistiques et de méthodes d’apprentissage automatiques est une condition préalable à la recherche biomédicale fondée sur l’analyse des données. Les analyses informatiques de grands ensembles de données provenant de l’expérimentation à haut débit peuvent contribuer à la découverte de nouveaux objectifs et de nouvelles solutions biologiques cutanées.

D^r Hansen, nous comprenons que l’objectif ultime des projets d’union comme CORBEL est de connecter leurs utilisateurs aux 13 infrastructures de recherche biomédicale et biologique qui coopèrent et participent à ce projet, ce pour parvenir à plus grande communication et une diffusion plus étendue au sein de la communauté scientifique. Cependant, en quoi cela contribue-t-il au développement scientifique ou technologique des entreprises privées ? Pouvez-vous nous parler des applications possibles du projet dans l’industrie ?

Les appels ouverts CORBEL ont adapté les exigences en matière d’édition et de droits de la propriété intellectuelle de manière à attirer les candidatures des PME et de l’industrie. En raison de la nature interdisciplinaire de CORBEL, nous avons reçu des idées de projets très innovantes, qui ont non seulement conduit au développement technologique des infrastructures de recherche, mais également abouti à une science de pointe. Nos infrastructures de recherche en sciences de la vie offrent un accès à des technologies telles que le criblage chimique et l’imagerie avancée et à des compilations de ressources telles que les biobanques, qui sont d’un grand intérêt pour l’industrie et les PME.

Pour faciliter la collaboration avec l’industrie, notre helpdesk innovation (service d’assistance innovation) offre des conseils de partenariat et un accès facile aux outils et aux ressources.

Ces infrastructures de recherche disposent des équipes les plus talentueuses en Europe ainsi que de savoir-faire spécialisés. Ces services de base sont nécessaires pour partager les coûts des équipements et des réactifs extrêmement onéreux qui créent le big data nécessaire aux sciences « omiques » (génomique, transcriptomique, métabolomique, etc.). À notre connaissance, c’est la voie habituelle pour permettre aux principaux groupes de recherche du milieu universitaire de maximiser leurs efforts. Cela étant, nous nous demandons s’il est possible pour les entreprises privées de bénéficier également de ces infrastructures. Comment une personne de l’industrie peut-elle avoir accès à ces services ?

Oui, nos infrastructures de recherche sont ouvertes à l’industrie et aux PME ! En visitant notre site Lifescience-RI,  elles peuvent en savoir plus sur les modalités d’accès aux  infrastructures de recherche individuelles, ainsi que sur les opportunités de financement ! 

L’équipe R&D de Provital a utilisé jusqu’à présent deux de vos infrastructures : le séquençage de nouvelle génération à l’Académie des sciences d’Athènes et la plateforme de bio-informatique de l’Institut de biologie des systèmes médicaux de Berlin (BIMSB) de MDC Berlin, qui ont été très utiles dans certains de nos développements. Cela montre comment le secteur cosmétique peut également capitaliser sur les infrastructures scientifiques. Cependant, nous sommes un fournisseur d’ingrédients actifs, nos clients sont donc les fabricants du produit final. De quels services/infrastructures pensez-vous qu’ils pourraient profiter le plus ?

Nos infrastructures médicales concernant les essais cliniques ECRIN, la médecine translationnelle EATRIS, et la biobanque BBMRI peuvent présenter un intérêt particulier.

De même, la recherche de nouveaux produits cosmétiques peut largement tirer profit des opportunités offertes par les infrastructures de recherche biologique. Permettez-moi de souligner l’exemple d’UE-OPENSCREEN. L’infrastructure de recherche en sciences de la vie (LS RI) axée sur la biologie chimique donne accès à un criblage à haut contenu et à haut débit, notamment à une variété de technologies de lecture et à une solide expertise en matière de modèles cellulaires complexes. Les compilations de composés naturels peuvent être exploitées pour répondre à la demande croissante de produits naturels actifs dans le secteur cosmétique.

Je vois aussi d’autres applications potentielles, par exemple dans le cadre de l’imagerie avancée, notamment les technologies d’imagerie à haut débit et en direct d’Euro-BioImaging, l’imagerie biomoléculaire et l’analyse structurelle 3D d’Instruct.

Ce serait formidable si vous pouviez nous donner un aperçu de la direction que les tendances techniques sont susceptibles de suivre dans les années à venir. Existe-t-il des infrastructures qui – comme Euro-BioImaging, par exemple – pourraient avoir une application dans la recherche et les développements cosmétiques ?

Provital a accédé à nos infrastructures de recherche pour obtenir des données d’expression génique en vrac sur les cellules de la peau. Maintenant, nous pouvons aller beaucoup plus loin et effectuer des analyses multiomiques au niveau d’une seule cellule. Les développements récents de la transcriptomique spatiale et du séquençage in situ fournissent en outre une résolution spatiale. Ces technologies sont proposées par le consortium d’infrastructures paneuropéen EASI-Génomics. Chez MDC, nous coordonnons les « appels d’accès ». Je suis heureuse de fournir plus d’informations !

Le domaine de l’imagerie a fait également des progrès importants dans une grande variété d’applications potentiellement utiles dans votre secteur. Euro-BioImaging est une infrastructure de recherche qui donne accès aux technologies d’imagerie aux utilisateurs du milieu universitaire et de l’industrie, notamment des technologies de pointe. L’un des domaines dans lesquels les nouveaux développements technologiques peuvent être pertinents pour votre secteur est la cryo-microscopie électronique où d’énormes progrès ont été réalisés. Elle permet une étude beaucoup plus détaillée de l’ultrastructure cellulaire et des interactions entre les protéines et les petites molécules. À l’autre bout de l’échelle, les progrès de la microscopie à feuille de lumière, combinés à la culture organoïde, peuvent permettre une imagerie des processus cellulaires en réponse à différents traitements dans un contexte complexe et bio-réaliste.

Dans un même temps, de nombreux progrès en matière de recherche continuent de produire de très grands ensembles de données tandis que l’informatique en nuage et ses ressources occupent une place de plus en plus centrale dans les projets de recherche. Les grands projets de regroupement, tels que le nuage européen pour la science ouverte (EOSC-Life), peuvent servir aux chercheurs, tant du milieu universitaire que de l’industrie, de se connecter, de partager et de réutiliser des données, des outils et des flux de travail dans le cloud. 

Provital utilise les technologies les plus avancées pour l’étude de la biologie cutanée, même dans le domaine de la recherche fondamentale. Avec l’aide de CORBEL et des infrastructures de recherche européennes, nous avons pu séquencer l’ensemble du transcriptome de deux types de cellules cutanées, ce qui nous a permis d’étudier l’impact que plusieurs composés naturels exercent sur l’ensemble de ces cellules. Cela signifie que nous n’avons pas exploré que quelques gènes sélectionnés en fonction de nos intérêts, mais que nous les avons tous (jusqu’à 25 000) explorés, ce qui nous a conduits à des découvertes de pointe inattendues et extraordinaires. À notre connaissance, Provital est la seule entreprise privée du secteur cosmétique à avoir bénéficié de CORBEL. Est-ce vraiment le cas ? Pourriez-vous nous donner un autre exemple du développement d’un cosmétique ou d’une percée technique découlant de l’utilisation de CORBEL ou des infrastructures de recherche européennes ?

C’est vrai ! Provital est notre premier utilisateur industriel du secteur cosmétique. Ils ont eu accès à nos technologies via l’appel ouvert CORBEL. Le terme « accès » désigne un certain nombre de types d’accès différents, tels que physique, distant ou virtuel. Dans le cas du projet Provital, Miguel Aso a envoyé des échantillons à notre plateforme de séquençage NGS (séquençage de nouvelle génération) au BRFAA à Athènes. Visiter l’installation et recevoir une formation sur place aurait également été possible sur demande. Les données de séquençage ont été partagées avec la plateforme bioinformatique du MDC, où elles ont été analysées et renvoyées à Provital. La subvention CORBEL a couvert l’expertise technique, les heures de travail du personnel, le temps d’utilisation des instruments et les consommables. Les utilisateurs ont également eu l’occasion d’être informés sur d’autres appels à projets interdisciplinaires CORBEL et sur les technologies et les services auxquels ont accédé nos utilisateurs lors de plusieurs évènements CORBEL.
Nous sommes reconnaissants que CORBEL ait pu attirer Provital en tant qu’utilisateur, et espérons que cet exemple de collaboration fructueuse entre les infrastructures et un utilisateur de l’industrie encouragera de nouveaux partenaires de l’industrie à accéder à nos prestations !